
La critique de Gilles Botineau
(dvdrama)
Un
film touchant et plein d'espoir, qui offre au comédien
Farid Chopel son dernier mais aussi son plus beau rôle.
Une fois n'est pas coutume, voilà
enfin un titre qui ne trompe pas sur la «marchandise».
Pour son deuxième long-métrage, Khaled Ghorbal
choisit d'évoquer les derniers jours d'un homme, fatigué
par la vie. Mais bien loin du mélodrame classique,
le cinéaste nous offre une vision poétique de
cette mort annoncée, obligeant le spectateur à
ressentir des émotions inhabituelles en de telles circonstances.
Rappelons également que le comédien Farid Chopel,
héros de cette incroyable histoire, est décédé
peu de temps après le tournage. Un si beau voyage
se regarde alors avec beaucoup d'émotions et offre
plusieurs possibilités de lecture...

Mohamed est un ouvrier à la retraite. Sa vie, il l'a
passée au sein d'un foyer, en banlieue parisienne.
Contraint de quitter sa chambre et gravement malade, il décide
de partir en Tunisie, son pays d'origine qu'il a quitté
il y a maintenant des années...
Il est fort probable que la récente disparition du
comédien Farid Chopel influence le regard à
la découverte de ce nouveau long-métrage. Bien
évidemment, cela ne remet pas en cause ni sa performance
ni la force du sujet évoqué. Farid Chopel était
un très grand acteur, et ce film apparaît donc
comme une nouvelle confirmation. Si l'homme se trouve amaigri
par la maladie, il conserve toujours cette silhouette particulièrement
droite, ces yeux emplis de douceur et une voix à l'accent
ensoleillé qui lui donne au final un charme fou.
Comment le cinéma français a-t-il pu se passer
autant de lui ? La question restera hélas sans réponse...

Avec
Un si beau voyage, le comédien propose une prestation
tout en retenue, pour ne pas dire discrète, en sachant
bien que le film repose essentiellement sur ses frêles
épaules. Et c'est ce qui donne au personnage son intérêt.
Il parcourt ainsi les séquences avec une émotion
très communicative. Sa démarche semble assurée
mais plutôt lente, et il ne prend la parole que si nécessaire,
généralement pour rassurer ses amis proches.
Le reste du temps, l'ensemble de ses sentiments nous sont
transmis à travers de longs silences ou un simple regard,
face à un monde qu'il ne comprend pas et surtout qui
n'est pas le sien. Dès lors, il reste impuissant devant
des enfants qui se battent, et encore plus lorsqu'il se fait
«mettre à la porte» par son propriétaire.
L'oeuvre
se divise en deux parties.
La première nous présente le côté
«pauvre» de la société française,
celui des ouvriers, des miséreux ou des exclus. En
ce sens, Un si beau voyage se veut un film réaliste,
presque social, d'une rare précision. La description
de la vie en foyer surprend et attriste profondément.
Il s'en dégage une ambiance de solitude qui ne nous
laisse jamais insensibles. D'ailleurs, ce thème semble
être la ligne directrice du cinéaste Khaled Ghorbal.
Dès les premières images de son film, le personnage
principal se retrouve seul, perdu au milieu d'un plan très
large. Sa présence est alors appuyée par un
son peut-être excessif, mais finalement très
lourd de sens.
Cet homme existe, malgré son isolement et son rejet
par la société. Qu'il soit au coeur d'une cité
ou au beau milieu du désert, il apparaît toujours
en plein centre du cadre, n'échappant ainsi jamais
à notre regard, ni même à celui des autres
protagonistes. La mise en scène épurée
du réalisateur permet de mettre en valeur toute l'humanité
présente dans ce personnage.

La
seconde partie, quant à elle, tend à le faire
disparaître progressivement. Il sait qu'il va mourir
(le spectateur également), et il le désire.
Mais là n'est pas l'intérêt du film. Ce
qui compte avant tout, c'est la façon dont les choses
vont se dérouler, amenées en douceur par un
cinéaste très pudique, alternant distance et
rapprochement avec son personnage, et par le jeu d'un acteur
certes en bout de course, mais qui semble avoir tout donné
dans un dernier sprint.
Chapeau l'artiste !
|